En plus d’être coordinateur du réseau Nomade actuellement, j’ai également une casquette de chercheur en sociologie (Université de Namur – Institut Transitions ; Centre Max Weber, CNRS). Celle-ci est en lien direct avec les thématiques du Réseau Nomade.
Pendant plusieurs années, j’ai de fait réalisé une recherche interrogeant ethnographiquement la participation de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer (jeunes) dans le cadre d’associations de patient·e·s et de proche. J’y souligne l’importance de considérer les situations de participation dans l’élaboration des philosophies et pratiques politiques participatives.
En posant la question de l’opérationnalisation des idéaux démocratiques contemporains dans le cas de publics vulnérables, je souhaite souligner la nécessité d’une microsociologie de la participation, et la pertinence d’élargir le spectre analytique de ce que l’on nomme communément « le politique ». Dans le cas d’associations de patient·e·s jeunes vivant avec la maladie d’Alzheimer, comme dans le cas de projets participatifs du secteur social-santé bruxellois (assuétude, santé mentale, sans-chez-soirisme, travail du sexe), les capacités toujours présentes de ces publics usuellement discrédités sont fréquemment soulignées.
Expertise d’expérience, posture épistémique spécifique, intelligence politique à partir des premières personnes concernées, toujours acteurs et actrices, rien sur nous sans nous, toujours capables … sont autant d’arguments que nous commençons à bien connaître et qui se traduisent par des volontés politiques institutionnelles et associatives participatives (création de d’assemblées délibératives, tirage au sort, développement de la pair aidance et de l’expertise du vécu, développement de comités citoyens, …). Les argumentaires de ces dispositifs insistent inlassablement sur le « pourquoi » participer. Pour prendre au sérieux ces outils conceptuels, mes terrains de recherche (doctoraux et autres) appellent à transiter du « pourquoi » au « comment » participer, et ainsi à étudier comment il est permis à ces capacités citoyennes maintes fois revendiquées, de s’exprimer et d’avoir un impact concret, malgré une série de vulnérabilités plus ou moins importantes ou grandissantes.
Se demander « Comment participer » implique à la fois un regard au plus près des activités de participation et de ce qui s’y joue, parfois loin des modèles canoniques de l’étude du fait politique, et aussi de prendre au sérieux ce que Jean-Louis Genard nomme la « conjonctivité » (Genard, 2013), la possibilité pour les individus de se faire tour à tour capables et incapables par opposition à un modèle disjonctif, établissant autrefois une différence de nature entre des profils capables et incapables. Que cela soit pour des raisons cognitives, parce que l’on a pas l’argent pour se rendre à l’espace de participation, parce qu’on a honte de s’exprimer en public, ou parce que l’urgence de notre situation ne permet un discours dénué de toute émotion, les vulnérabilités citoyennes s’expriment lors des situations de participation.
La maladie d’Alzheimer interroge de front les efforts mis en place pour permettre à un public « limite », autrefois disjonctivement exclu (Cantelli, Genard, 2024) de s’inscrire dans l’idéal dispositionnel. Avant de relier ces questions au secteur social-santé bruxellois, dans un ouvrage en cours d’élaboration, je propose ici une synthèse de ma recherche doctorale afin de présenter un exemple de ce qu’une analyse microsociologique de la participation révèle comme questionnements.
Loin de moi l’idée de considérer cette ressource comme un guide méthodologique ou comme un bon exemple à suivre, elle permet toutefois d’illustrer les questionnements concrets, pratiques, qui semblent manquer dans l’organisation des dispositifs participatifs au sein de secteur social-santé, au vu des difficultés rencontrées par les bénéficiaires, travailleurs et travailleuses du secteur social-santé.
Voici le document synthétique : Résumé long SL
Lien vers la thèse complète