Une publication à la fois conceptuelle et ancrée dans le terrain : ce numéro de la revue française d’éthique appliquée explore les tensions liées à la prise de parole au nom d’autrui, en particulier dans les domaines du soin, de la recherche et de la vie sociale.
Il s’inscrit dans une réflexion critique sur les risques d’injustice épistémique, notamment testimoniales, lorsque des personnes parlent à la place de celles directement concernées, sans leur participation active. La formule militante « Rien sur nous sans nous » sert ici de point d’ancrage pour interroger les formes d’intermédiation de la parole, souvent dénoncées par les mouvements féministes, antiracistes, ou de défense des droits des personnes handicapées.
Le dossier met en lumière les différentes formes que peut prendre le fait de « parler pour » : représentation (avec ou sans mandat), interprétation (par des professionnels ou chercheurs), ou substitution (dans la vie quotidienne). Chacune de ces modalités peut, selon les contextes, renforcer ou au contraire contester des rapports de domination. L’enjeu devient alors de préserver la présence des sujets comme acteurs et connaisseurs, en évitant de les réduire à des objets de discours. Le numéro propose ainsi une série d’analyses situées — de la néonatalogie à l’écriture publique, en passant par les dispositifs de démocratie en santé — pour penser les conditions d’une parole juste, inclusive et politiquement légitime.
En filigrane, ce numéro invite à une vigilance éthique sur les pratiques de médiation, en soulignant que parler pour les autres n’est jamais neutre : cela engage des responsabilités, des asymétries, et des choix de traduction du vécu. Il s’agit donc moins de condamner toute forme de porte-parolat que d’en interroger les conditions de légitimité, les effets, et les alternatives possibles, notamment en favorisant des formes de co-énonciation ou de relais réflexifs.
Le dossier se trouve ici : https://www.espace-ethique.org/actualites/revue-francaise-dethique-appliquee-parution-du-ndeg16-parler-pour-les-autres