UTSOPI

Union des Travailleur.se.s du Sexe Organisé.e.s pour l’Indépendance

UTOSPI est créé à Bruxelles en novembre 2015 et annoncée officiellement le 15 décembre 2015 lors d’une conférence de presse. Après discussion entre travailleur.se.s du sexe (TDS) est né la volonté de se fédérer, de créer un collectif, de mettre en place un « syndicat » (ils et elles ne peuvent pas revendiquer officiellement ce statut en Belgique), les TDS recouvrant toute une série de profils variés (prostitution en vitrine, en rue, par petites annonces, acteurs porno, escort, cam, accompagnant sexuel…) aux conditions de travail spécifiques. Il existait un tissu associatif autour des thématiques traversées par le travail du sexe, mais pas d’initiative « par et pour ». La création d’UTSOPI venait combler un manque. Le groupe se construisait petit à petit puis Emir Kir a bousculé l’agenda avec l’adoption d’un règlement communal anti-prostitution[1] (dont la nature contestable a finalement été reconnu par le conseil d’état[2]). Le travail de dénonciation entamé par UTSOPI a porté ses fruits et souligne sa pertinence en tant qu’acteur impliqué dans la reconnaissance des droits des TDS.

UTSOPI permet aux TDS :

  • De pouvoir parler en leur nom propre, faire entendre leur voix, se représenter politiquement, en dehors des associations de terrain existantes. UTSOPI est un groupe d’auto-support, porté par et pour les TDS, la communauté se soutient elle-même. Et cette approche communautaire affirme sa singularité et propose une vision affranchie de l’influence de l’aide médicale, psychologique ou sociale.
  • Créer un espace de paroles, pour se réunir, discuter du travail et/ou aussi de la vie privée. Il y a une volonté de briser l’isolement et stimuler la solidarité. L’espace est aussi là pour parler des droits que les TDS ont l’impression de ne pas avoir, et dans certains cas n’ont pas. Si un.e TDS rencontre un souci au travail, il.elle peut les contacter : UTSOPI apporte écoute, aide juridique et visibilité si nécessaire (toujours dans le respect du fait que certain.e.s ne veulent pas être représenté.e.s). Échanger entre collègues, entre pair.e.s permet de parler autrement, il n’y a pas de relation aidé.e-aidant.e. Précisons de dorénavant, UTSOPI dispose d’un local rue d’Aerschot à Schaerbeek.
  • De s’organiser, notamment via un groupe de travail inter-associatif (Amnesty International, La ligue des droits de l’homme, Alias, Espace P, Médecins du Monde et UTSOPI), qui vise à créer une liste des instances de pouvoir, d’accès à la santé, à la justice et à la sécurité qui sont « safe » pour les TDS, où ils et elles seront considéré.e.s sans jugement, en dehors de tout préjugé, en tant que citoyen.ne.
  • De faire du lobby, des plaidoyers, de la sensibilisation (notamment via le groupe cité au point précédent). Le but est de réaliser un plaidoyer pour changer les pratiques sur le terrain du corps professionnel médical ou social en contact avec les TDS. Il est indispensable de disposer d’un système de soin et d’aide sociale affranchi de la morale. Ce travail de déstigmatisation passe aussi par des interventions dans des écoles où des collaborations avec des hôpitaux. Une autre action est de s’opposer aux politiques qui iraient à l’encontre de la loi : certaines communes trouvent des moyens détournés pour sanctionner la prostitution dans l’espace public (par exemple, interdire de rouler lentement dans les quartiers touchés par la prostitution).
  • D’être dans l’empowerment[3], de comprendre ses conditions de vie pour mieux les influencer.

UTSOPI aujourd’hui

C’est une dizaine de membres actifs.ives et environ 40 membres adhérent.e.s.

Depuis novembre 2018, il y deux employé.e.s : un journaliste néerlandophone (pour assurer le lobby côté flamand et étendre UTOSPI à Anvers et Gand) et une membre active d’UTSOPI, sous contrat avec Médecins du Monde (MdM) et qui consacre son temps de travail à UTSOPI.

Pour que les relations avec MdM se déroule sereinement, MdM a défini une position claire et partagée sur le travail du sexe (création d’une note de positionnement). Cette note, et l’engagement des deux salarié.e.s, a été précédée de nombreuses réunions préparatoires entre MdM et UTSOPI.

Au niveau accès soin, justice et sécurité, MdM est d’un grand recours. Pour le soin en particulier, ils ont mis en place des protocoles pour le personnel soignant (Comment repérer certains traumas ? Comment aborder certains type de public ?…). Il faut absolument éviter que l’accès au soin aboutisse à une situation de jugement, de rejet, avec parfois une qualité de soin moindre.

Fonctionner avec deux salarié.e.s apporte une autre dynamique : ils.elles ont le temps de construire un réseau sur le terrain, de rencontrer les partenaires, suivre les réunions… Ce qui n’est pas toujours possible, en tout cas pas avec la même régularité, quand il s’agit de militant.e.s bénévoles. Cette dynamique est aussi portée par quelques ressources supplémentaires qui permettent de financer les impressions et de défrayer les membres dans certains cas.

Suite à un subside du réseau européen des sex-workers (ICRSE[4]), UTSOPI travaille également à la différenciation entre le travail du sexe et la traite des êtres humains, dans le but d’éviter l’amalgame. Il faut montrer la réalité via la parole des concerné.e.s, car il peut y avoir plusieurs formes d’exploitation qui ne relève pas de la traite des êtres humains. Cette réduction de la problématique à la traite des êtres humains empêche de visibiliser précisément comment les TDS sont exploités.

Comme mentionné plus haut, UTSOPI dispose depuis décembre 2018 d’un local.

Une fois par mois s’y déroule les permanences « Listen to you » : il s’agit d’une réunion qui rassemble des collègues (tous TDS, membre d’UTSOPI ou pas, et pas systématiquement les mêmes à chaque réunion). Il n’y a pas de thème imposé (on y parle pas forcément travail du sexe), les sujets viennent d’eux même : enfant, vie amoureuse, impôt, coupe de cheveux…

Une autre fois par mois, c’est la réunion entre les membres actifs.actives, où est débattu la philosophie, les activités et les actions d’UTSOPI.

Depuis 2015, en interne, tout un travail de déconstruction a été mis en place afin que chaque membre comprennent que chacun.e a ses propres conditions de travail : ce n’est pas la même chose, si on est trans, jeune homo, fille blanche ou de couleur…

Décriminaliser la prostitution

C’est la principale revendication d’UTSOPI. La prostitution n’est pas illégale en Belgique, mais tout ce qui vise à son exercice l’est : sa publicité, engager un TDS, le racolage…  donc dans ces cas-là, pas d’accès à la sécurité sociale : avoir un accident de travail ou être enceinte deviennent des situations problématiques. L’absence de droit pousse à la clandestinité, à la précarité. Décriminaliser la prostitution permettra de donner un statut aux TDS qui le souhaitent. Un statut permettra aussi aux TDS de payer leurs impôts de manière transparente, sans avoir recours à des professions détournées (masseuse, serveuse, sexologue, hôtesse…). Actuellement, la dimension sexuelle est absente du débat. C’est problématique pour les salariées (bar à hotesse, vitrine…) :  si elles ne sont pas payées et veulent en référer au tribunal du travail, elles courent le risque de s’entendre dire « Vous n’êtes pas serveuse, vous êtes prostituées, or la prostitution est contraire aux bonnes mœurs et donc votre contrat est frappé de nullité » et donc le contrat n’existe plus, pas d’accès au chômage, aux droits qu’un.e salarié.e peut réclamer. UTSOPI travaille sur ce sujet, sans aucun soutien politique jusqu’à présent. Par contre, avec la FGTB, UTSOPI réalise un travail pour concevoir des commissions paritaires adaptées à la réalité des multiples facettes du travail du sexe (sexcam, acteur.rice pornographique, domination en privé, vitrine, sexcam…), pour que chacun.e soit pris en compte selon les spécificités de sa profession.

Ceci dit, tout le monde ne se revendique pas TDS. Pour certain, ce n’est pas un métier, c’est passager, temporaire. Il n’y a donc pas d’obligation à se revendiquer comme tel, chacun s’identifie comme il le veut, pas d’obligation à le porter comme un étendard, mais avec des droits, il y a une protection. Le statut, ce n’est pas uniquement pour la reconnaissance ou l’étendard, c’est pour l’accès aux droits.

Statut et conditions de travail

C’était un des objectifs initiaux d’UTSOPI : rendre compte de manière plus précise de la vision des personnes concerné.e.s, de définir les contours de cette zone floue ou il n’y aurait que deux pôle (pour ou contre) : il ne s’agit pas d’être pour ou contre, mais de rendre compte de différentes réalités, différents points de vue, différents parcours. On peut avoir un titre de séjour, être blanche et être exploitée. Le flou autour de la pratique du métier permet, autorise l’exploitation.

Les conditions de travail ont aussi un impact : la plupart du temps, la prostitution n’est pas une vocation, il s’agit de personnes isolées, en situation précaire… qui veulent faire ça juste un moment (comme « tremplin »), mais les mauvaises conditions de travail et la non-reconnaissance des personnes font que ça peut durer plus longtemps que prévu.

Et au final, ce n’est pas une question de choix : qu’il.elles ait choisi son travail ou pas, tou.te.s citoyen.ne.s doit pouvoir faire valoir ses droits. Il n’y a que pour le travail du sexe que s’impose cette question du choix : le travail du sexe est vu comme une servitude, alors si les TDS demande le droit à la parole, ça leur est refusé sous prétexte que c’est un non-sens que d’écouter la parole d’un « esclave qui apprécie sa condition d’esclave ». C’est un argument récurrent. Le travail du sexe n’est certes pas un travail comme un autres, mais comme tout travail il y a du positif et du négatif.

Et remarquons que, si ce n’est pas un travail comme un autre, policier aussi n’est pas un travail comme un autre. Mais eux ont accès à des intervisions avec psychologues, les psychologues ont eux-même des intervisions… les TDS devraient en avoir aussi : les clients peuvent avoir des fantasmes, des pratiques, des émotions singulières… le TDS devrait pouvoir déposer tout ça.

Le soutien politique

Pas de consensus à tous les niveaux de pouvoirs : il y a des pragmatiques et des moralistes, tendance féministe abolitionniste. Mais depuis 2015, année de la création d’UTSOPI, il y a de plus en plus de soutien mais pas encore de discours officiel fort sur la question. On notera cependant que la commune de Schaerbeek a créé une plateforme inter-associative consacrée au travail du sexe. Le soutien se manifeste également par les subsides octroyés aux organisations du secteur social-santé traitant ces thématiques.

Inspirations

PROUD[5] est l’équivalent néerlandais d’UTSOPI. C’est un modèle inspirant (avec ses limites). Suite à un lobbying actif, ils.elles ont pu disposer de locaux mis à disposition par la ville d’Amsterdam et de financement provenant de la ville et de l’état. Ils.elles sont actifs.ives dans tout le pays. Le soutien public trouve son origine dans les discours anti-stigmatisation de certains partis au pouvoir. Une autre hypothèse réside dans l’influence de la vague d’auto-support d’usagers de drogues qui avait permis de juguler l’épidémie de sida durant les 80’s.

Conclusion

Depuis sa création, UTSOPI trace sa route et a su faire fructifier ses ressources : engagements de deux salarié.e.s, mise à disposition d’un local, développement d’un réseau, reconnaissance médiatique et un nombre croissant de membres adhérent.e.s. Idéalement, à l’avenir, UTSOPI souhaiterait aussi développer une approche « outreach », que ça soit via le travail de rue où la présence sur certains sites/applications.

Même si le bilan est positif, l’objectif majeur est loin d’être atteint : un statut légal pour les travailleur.se.s du sexe. La lutte contre leur stigmatisation est également loin d’être finie.

UTSOPI travaille actuellement sur un nouveau site internet.

Retrouvez les sur www.facebook.com/utsopi & www.utsopi.be

[1] www.lalibre.be/regions/bruxelles/le-nouveau-collectif-utsopi-denonce-la-politique-de-prostitution-d-emir-kir-567062d73570ed389496e02f

[2] www.lavenir.net/cnt/dmf20190403_01317832/non-saint-josse-ne-peut-pas-interdire-les-carrees-de-prostitution-dans-ses-rues-certaines-regles-s-imposent-a-tous-meme-a-emir-kir

[3] www.legrainasbl.org/index.php?option=com_content&view=article&id=461:l-empowerment-de-quoi-s-agit-il&catid=9&Itemid=103

[4]  www.sexworkeurope.org/

[5]  www.wijzijnproud.nl/