L.U.N.E.

Recherche-action participative

Le projet L.U.N.E (Libres. Unies. Nuancées. Ensemble.) aborde les expériences de femmes travailleuses du sexe de rue et utilisatrices de drogues par injection, via une recherche-action participative visant la prévention du VIH et intitulée «Intervenir AVEC les filles POUR la VIE». Le projet L.U.N.E est né en 2007 d’une alliance entre le milieu communautaire (Point de Repères[1]), une équipe de chercheurs de l’Université Laval et des femmes travailleuses du sexe de rue utilisatrices de drogues injectables. Il a été clôturé en 2010.

Objectifs:

  • Décliner les caractéristiques de femmes travailleuses du sexe de rue et consommatrices de drogues par injection (TSR-UDI) souhaitant devenir pairs-aidantes.
  • Identifier leurs motivations à le faire.
  • Distinguer les facteurs qui facilitent de ceux qui entravent leur participation.
  • Examiner les retombées de leur participation sur elles-mêmes et leur milieu.
  • Dans un objectif transversal de prévention du VIH-SIDA, ce projet de recherche participative visait à répondre à un ensemble de besoins énoncés par les femmes et à renforcer leurs capacités à titre de pairs aidantes dans leur communauté.

Comment ça s’est passé?

Pendant près de trois ans, des femmes TSR-UDI se sont réunies afin de développer et d’implanter des activités de pairs aidantes pour améliorer leurs conditions de vie et pour prévenir l’acquisition/transmission du VIH dans leur milieu. En bref, 45 rencontres de deux heures ont eu lieu à Point de Repères entre mai 2008 et mars 2010. À chacune des rencontres, les participantes recevaient une compensation financière de 20$ et un goûter leur était servi.

Cette étude s’inscrit dans une démarche de recherche-action participative dont les visées étaient exploratoires et descriptives. Pour le recrutement des participantes, certains critères ont été définis : en plus d’être âgées de 18 ans ou plus, de pratiquer ou d’avoir récemment pratiqué (12 mois) le travail du sexe de rue, de consommer des drogues et de faire usage ou d’avoir déjà fait usage de drogues par injection, les participantes potentielles devaient avoir des contacts réguliers avec d’autres femmes TSR-UDI. Si possible, elles devaient être reconnues par leurs pairs pour leur leadership. Elles devaient également démontrer de l’intérêt à participer à un projet collectif tel que décrit par l’intervenante lors du recrutement.

Les connaissances et l’expérience des intervenants de Point de Repères ont été mobilisées pour l’identification des éventuelles participantes à l’intervention. Ainsi, à l’automne 2007, 21 femmes répondant aux critères d’inclusion ont accepté de participer à l’intervention. Cependant, des problèmes sévères de santé ont fait obstacle à la participation de l’une d’entre elles.

Procédure de collecte des données

Pour la procédure de collecte des données, trois séries d’entrevues individuelles semi-dirigées ont été réalisées entre octobre 2007 et mars 2010 (49 entrevues). Les participantes étaient invitées à s’exprimer sur les qualités et aptitudes d’une bonne pair aidante (2007), sur leurs motivations à participer à l’intervention (2007, 2009, 2010), sur les facteurs facilitant ou entravant leur participation au projet (2009, 2010) ainsi que sur les impacts de leur implication (2010). Lors de chacune des entrevues, les participantes étaient également interrogées sur leurs conditions de vie et de santé (logement, alimentation, réseau social, expérience d’incarcération, hospitalisation…) ainsi que sur divers aspects de leur pratique de consommation et de travail du sexe (drogue(s) consommée(s), nombre d’injections par jour, utilisation d’une seringue neuve, risques associés au travail du sexe de rue, utilisation du condom…).

Aux trois temps des entrevues, un guide d’entretien avait été préparé, puis testé et validé. Les entrevues ont été menées par un membre de l’équipe de recherche, accompagné, occasionnellement, de l’intervenante communautaire attitrée au projet ou d’une intervenante de Point de Repères. Elles ont été conduites en différents lieux, à la convenance des participantes (locaux de Point de Repères, domicile, hôpitaux, prison ou motels). Leur durée variait entre 10 minutes et 1 heure 40 (moyenne : 40 minutes) et elles étaient enregistrées sous format audio. Les participantes avaient préalablement reçu un feuillet d’information sur la recherche, elles avaient consenti à prendre part à l’entrevue et à être enregistrées. Une compensation financière de 20$ couvrait les frais associés à leur participation (transport, nourriture…).

Il y avait aussi des sources de données complémentaires : le journal de rue de l’intervenante et le journal de bord de la coordonnatrice de l’étude ont fourni du matériel supplémentaire aux fins des analyses. De plus, les comptes rendus des rencontres du groupe de pairs aidantes ont permis de documenter certains des aspects du processus entourant la participation des femmes (nombre de rencontres, durée, règles…). Notons qu’il y avait 20 participantes en 2007 pour finir à 13 en 2010.

Analyse des données

L’analyse des données s’est déroulée comme suit : les 49 entrevues menées en 2007, 2009 et 2010 ont été transcrites et ont fait l’objet d’une analyse thématique. Des lectures préliminaires des transcriptions verbatim ont permis la définition d’une liste de catégories et de codes qui ont ensuite été utilisés pour le codage systématique du corpus de données. Les codes et catégories d’analyse ont été soumis à deux membres de l’équipe de recherche. Ces données étaient ensuite examinées en lien avec le journal de rue de l’intervenante, le journal de bord de la coordonnatrice ainsi que les comptes rendus des rencontres du groupe de pairs aidantes.

Suivant les objectifs de la recherche, les résultats des analyses ont été regroupés sous quatre grandes dimensions, soit les caractéristiques des femmes souhaitant devenir des pairs aidantes, leur motivation à le devenir, les facteurs qui ont pu faciliter ou entraver leur participation et les bénéfices qu’elles y ont trouvés pour elles-mêmes et leur milieu. Les deux premières dimensions ont été étudiées suivant les propos tenus par les femmes interviewées en 2007, alors que les deux autres l’ont été sur la base des propos des femmes qui ont pu être jointes en 2009 et 2010.

Freins & plus-value

Les freins identifiés sont la consommation/dépendance, les problèmes judiciaires, le manque de disponibilité et les éconflits. Les plus-values retirée de l’expérience sont la stabilisation de la consommation, des conditions de vie, les effets thérapeutiques, l’impact positif sur l’estime de soi, l’apprentissage, un sentiment d’appartenance et reconnaissance sociale et une influence positive sur leurs pairs.

L’engagement des femmes dans le projet a permis la réalisation de plusieurs activités :  la rédaction d’une étude de besoins des femmes TSR-UDI de la région de Québec, l’élaboration et la mise à jour d’une liste de descriptions de clients dangereux, l’édition d’un journal «avec, par et pour» les femmes TSR-UDI, l’organisation de co-formations et la création de dépliants informatifs et de pochettes à condoms.

www.projet-lune.org

Source: Drogues, santé et société, vol.12, n°1, juin 2013.

[1] www.pointdereperes.com