La Charabiole

Un club psycho-social qui accorde une place centrale aux usager.e.s.

Pour ce qui est de la pair-aidance en Wallonie, la Charabiole se pose en pionnier. Il s’agit d’un club psycho-social, adressé à des personnes qui ont vécu et/ou vivent une problématique de santé mentale et sont résidents de l’IHP L’espoir (IHP pour Initiatives Habitations Protégées) à Namur ou vivent chez eux. Initialement, c’est l’équipe de l’IHP qui a créé la Charabiole pour organiser des activités pour les résidents. Le but est de développer leur autonomie, faire un travail de réhabilitation psychosociale pour développer les habilités autant de type relationnel que social, administratif… En résumé, les réintégrer dans la vie de tous les jours, la vie de la communauté.

Le projet est inspiré des club house new yorkais : il y avait l’idée de créer un lieu géré par les usager.e.s : faire un mélange de personnes pris en charge dans leur hébergement et de personne qui sont plus loin dans leur rétablissement, qui vivent déjà chez elle, de sorte à susciter du soutien, de l’entraide et de l’espoir : faire du co-rétablissement. Avant la pandémie, plus de la moitié des activités étaient (co)animées par des usager.e.s.

Une première expérience en demi-teinte

En 2015, la Charabiole a commencer à s’intéresser de près à la pair-aidance. Le travail de pair-aidance est vu comme un accompagnement vers le rétablissement, pour soutenir les personnes dans leur rétablissement.

Ils ont invité des personnes ressources (notamment une paire-aidante pionnière en Belgique et une médiatrice santé pair française). Il y a eu un mouvement de sensibilisation de l’équipe à la pair-aidance, mais aussi des usager.e.s, ils ont été associés à a la réflexion et se sont positionnés en faveur du projet. De manière générale, l’équipe et les usager.e.s sont assez convaincu de la pertinence de la pair-aidance, de la plus-value qu’elle amène.

Donc en 2017, sur fond propre, la Charabiole a engagé un pair-aidant à mi-temps. Il a travaillé pendant un an.  Dans un premier temps, l’expérience était positive : il était intégré dans l’équipe, intéressé par son travail et reconnu par les usager.e.s.

Puis, la Charabiole a traversé une période ou l’équipe a été touché par une vague d’absence au travail : la direction a proposé au pair-aidant de monter à 30h/semaine. Avec le recul, le constat est, qu’avec ce remplacement, il a endossé un rôle et des responsabilités supplémentaires, qui n’étaient pas les siennes auparavant et pour lesquelles il n’a pas été préparer. Un autre point est qu’une partie de l’équipe a mal pris le fait que des collègues « traditionnel.le.s » soient remplacés par un pair-aidant. En conséquence, le pair-aidant a ressenti de plus en plus de pression et après quelque temps, il s’est mis en maladie pour quelques mois.

Ensuite, il est passé à mi-temps, a travaillé 1 mois puis il a rendu son préavis : il avait besoin d’une prise de distance par rapport à la pair-aidance, il était en plein questionnement : est-ce vraiment sa place ? Dois-je continuer ou retrouver mon précédent emploi qui était mieux payé ?

En conclusion : une première année positive, une deuxième difficile.

Une deuxième expérience constructive

Après cette première expérience, s’en sont suivi deux années de questionnement et puis ils ont eu l’opportunité de travailler avec un pair-aidant bénévole. Il avait traversé des troubles de bipolarité, ce qui l’avait amené à animer des groupes de parole et petit à petit envisager de mettre son expérience au service d’autres usager.e.s.

Après une première rencontre en 2019 (le candidat était connu pour ses activités liées à la pair-aidance), il commence en aout 2020. D’abord, il accompagne les usager.e.s lors des marches à pieds, un bonne façon de créer des contacts informels, de tisser des liens, de voir comment chacun envisageait sa place et celle d’un pair-aidant au sein de la Charabiole.

C’est quoi un pair-aidant ?

Je lui explique ce que c’est et elle me réponds :

Si toi, t’es arrivé là, y a de bonne chance que moi aussi j’y arrive.

Cet échange symbolise l’espoir qu’un.e pair.e-aidant.e peut apporter à une personne qui cherche à avancer sur son chemin de rétablissement. Le public de la Charabiole comprends assez spontanément le rôle d’un.e pair-aidant.e. Il.elle partage ce qui lui a permis d’avancer et il.elle apprends des personnes qu’il.elle accompagne. C’est une relation réciproque. Il y a cette notion de compréhension mutuelle , d’identification réciproque qui fonctionne bien. Au niveau de l’équipe, il a plus de questionnement, notamment sur le profil de fonction et la posture.

Maintenant, les activités ont reprises, mais, Covid oblige, le temps de présence est uniquement celui du temps de l’activité, donc les moments informels passent à la trappe. Avec le collectif, il faut tenir compte de toutes les interactions et donc la proximité est moins grande. Le rapport dans l’informel et la dynamique collective sont complémentaires.

La pair-aidant animent principalement deux activités :

  • La voix des usagers.

Au cœur des activités du club, c’est un endroit ou des représentants de l’équipe rencontre les membres, les résident.e.s pour discuter de l’organisation générale, revenir sur ce qui fonctionne ou pas, faire des propositions d’activités… C’est un lieu de co-construction. La place des usager.e.s au sein de la Charabiole est importante, ce qui explique qu’un.e pair.e-aidant.e trouve place assez « naturellement » au sein des activités.

  • La psycho-éducation.

Il s’agit de parler de ce qui est spécifique à la santé mentale et aux pathologies, sous la forme d’un groupe de paroles, ou chacun vient avec ses interrogations. C’est l’échange aussi qui permet de réfléchir à des solutions adaptées à la situation présentée. Animé par un psychologue (avec donc une approche psychologique : il explique les pathologies, ce que ça implique de vivre avec…) et le pair-aidant (lui amène son expérience – je me reconnais dans ce que le psychologue dit, voilà comment je me sentais à l’époque, et ce que j’ai mobilisé comme ressources pour pouvoir aller de l’avant), cela permet de poser des questions plus précises sur ce que la personne vit/vivait, en approchant de plus près son vécu et le pair-aidant étant passé par là, il a une forme de légitimé pour le faire.

Le pair-aidant affirme s’être senti à sa place dans ses activités, en y apportant de l’espoir, de l’interaction, du lien et le savoir qu’il a pu accumulé sur son parcours de rétablissement. Il est également satisfait de la place que lui a donné l’équipe.

Conclusion

Après une première expérience en demi-teinte, la Charabiole a appris de ses erreurs, nourri ses questionnements et a rebondit en tentant à nouveau l’aventure dans des conditions plus adaptées et celles-ci ont portés leurs fruits : la pair-aidance est maintenant reconnue auprès des usager.e.s, bien intégrées dans certaines activités et mieux soutenues par l’équipe. Il s’agit d’un processus laborieux, qui nécessite patience et capacité d’écoute et de remise en question, mais la pair-aidance semble trouver sa place au sein du projet institutionnel de la Charabiole. Sa plus-value semble confirmée.

Plus d’informations :
www.facebook.com/charabiole/
www.ihp-espoir.be/index.php/la-charabiole