GIAP

Groupe d'intervention alternatif par les pairs

Le GIAP est un Groupe d’Intervention Alternative par les Pairs située à Montréal. Sa mission est la prévention de la transmission du VIH, du VHC et des autres ITSS ainsi que la réduction des méfaits liés à la consommation de drogues et au mode de vie de la rue, chez les jeunes âgés de 12 à 30 ans, en situation de précarité et qui fréquentent les quartiers centraux de Montréal. Au GIAP, l’expérience de la rue est comprise dans un sens large, qu’il s’agisse d’itinérance, de consommation de drogues, l’implication dans le travail du sexe, la judiciarisation, l’implication dans activités illicites, l’exclusion sociale…

En promouvant une approche d’intervention alternative basée sur le partage d’expériences et une compréhension globale de la santé des jeunes, le GIAP souhaite d’abord rejoindre ces jeunes marginaux qui présentent des comportements à risque en regard de leur santé. Les efforts de prévention qui y sont déployés visent notamment à favoriser chez ces jeunes le développement de leur estime de soi et de leur affirmation ; en vue de faciliter l’adoption de comportements sécuritaires en regard du VIH, VHC, et autres ITSS, de l’utilisation de drogues et de leur santé en général. Les jeunes rejoints par le GIAP bénéficient au besoin d’un soutien dans leurs efforts pour prendre en charge leur santé. Parallèlement à cet accompagnement d’ordre individuel, le GIAP déploie de grands efforts pour contribuer à rendre les milieux du centre-ville plus favorables à l’adoption de comportements sécuritaires, en faisant notamment la promotion d’une mixité sociale positive. En effet, l’approche d’intervention du GIAP s’appuie sur différents principes directeurs tels que le respect, l’approche humaniste, l’empowerment et la réduction des méfaits.

Les principes directeurs

L’approche alternative d’intervention du GIAP s’appuie sur les principes fondamentaux que sont le respect, l’approche humaniste, l’empowerment (ou l’autonomisation) des jeunes et la réduction des méfaits. Ces principes guident l’ensemble des activités du GIAP, la gestion interne du projet et le fonctionnement en partenariat.

  • Le respect des autres et de soi-même constitue le dernier principe directeur des actions du GIAP. Dans leurs interactions et interventions auprès des jeunes en situation de précarité, les pairs-aidants se doivent d’adopter une attitude d’ouverture, d’acceptation et de non-jugement. Les relations que les pairs-aidants développent avec les jeunes s’inscrivent dans un rapport d’égalité, puisqu’ils ne sont pas en position d’autorité sur les personnes auprès de qui ils interviennent. Ces relations s’inscrivent aussi dans un certain rapport de réciprocité, bien que le rôle des pairs-aidants soit d’aider les jeunes et non se faire aider par ceux-ci.
  • L’approche humaniste considère la dignité humaine comme valeur première. Elle s’exprime notamment par les notions de respect, de responsabilité, de liberté, d’authenticité et d’expérience. Les interventions menées dans le cadre de cette approche se construisent à partir d’où la personne en est, comme elle est et se centrent sur ses objectifs et ses choix, en considérant ses capacités pour y parvenir. L’approche humaniste requiert d’accompagner la personne dans son propre cheminement, à son rythme à elle, et non selon quelque idéal d’intervention. La conception particulière de la prévention comprise comme le développement d’un souci de soi, l’approche globale de la santé promue au GIAP et l’importance attachée à la défense des droits et à l’inclusion sociale des personnes marginalisées s’inscrivent dans le cadre de l’approche humaniste.
  • L’empowerment constitue une approche visant à soutenir les efforts des personnes et des communautés pour qu’ils développent ou reprennent le pouvoir sur leur vie et qu’ils accroissent leur capacité d’action autonome. Il s’agit ici de reconnaître les capacités des personnes concernées à identifier les problèmes sur lesquels elles souhaitent agir et de déterminer les façons par lesquelles elles atteindront leurs propres objectifs. . Cette approche s’applique autant aux jeunes rencontrés qu’aux membres du GIAP. Il ne s’agit donc pas de « faire à la place de… » mais bien de « faire avec… ».
  • La Réduction des méfaits est une approche d’intervention visant à réduire les conséquences négatives d’un comportement (ou du contrôle social entourant ce comportement) sur la personne elle-même, son entourage et la société en général, sans pour autant viser l’arrêt du comportement. Étant donné la mission du GIAP, il s’agit ici de réduire les conséquences négatives liées à la consommation de drogues, aux pratiques sexuelles et au mode de vie de la rue. Cette approche d’intervention s’inspire du pragmatisme et de l’humanisme. Elle est pragmatique en ce qu’elle permet d’intervenir auprès des consommateurs de drogues, qu’ils souhaitent cesser de consommer ou non. Elle est humaniste en ce qu’elle permet de tenir compte d’avantage de la qualité de vie des personnes et de ce qui est important pour elles à un moment donné de leur vie.

En plus de ces principes directeurs qui sont le fondement de l’approche alternative d’intervention du GIAP, les pairs-aidants se réfère à un code d’éthique qui leur est propre et qui permet de s’assurer du professionnalisme de l’équipe.

Les pairs-aidants

À la base du GIAP, on retrouve une équipe de six pairs-aidants. Ils sont pairs parce qu’ils ont eux aussi vécu à un moment de leur vie l’expérience de la rue. En outre, ils sont aidants en ce sens qu’ils ont la volonté et la capacité d’utiliser leur propre vécu personnel pour accompagner et soutenir les jeunes en situation de précarité dans la recherche de solutions qu’ils considèrent adaptées à leur situation.

L’utilisation à bon escient du savoir expérientiel des pairs-aidants dans la relation d’aide nécessite un certain recul par rapport au mode de vie de la rue. Afin d’adopter une vision globale de la situation des jeunes rencontrés, les pairs-aidants ont en effet besoin d’avoir pris une certaine distance face au mode de vie de la rue et à leurs problèmes personnels. Leur vécu est important, il est à la base de leurs interventions; mais ils doivent s’en distancer pour adopter une approche globale et alternative dans l’intervention.

Bien entendu, puisqu’ils sont pairs-aidants, ils font preuve d’un grand intérêt pour la relation d’aide et ce dès leur arrivée au GIAP. Au départ, ce potentiel pour l’intervention alternative se manifeste par leur savoir-être plus que par leur savoir-faire. Grâce à des formations, des échanges, du coaching, de la supervision clinique et de l’autoformation, les pairs-aidants participent à définir une communauté de pratiques. Ainsi, l’approche alternative émerge chez les pairs-aidants et prend son sens à travers les relations de confiance qu’ils tissent avec les jeunes rencontrés. Les interventions des pairs-aidants prennent appui sur divers médiums qu’ils connaissent bien – qu’il s’agisse de musique, peinture, sport, cuisine, etc. – pour stimuler des échanges avec les jeunes, leur permettant de réaliser leur mandat de prévention.

Comme le GIAP vise à rejoindre les jeunes marginaux fréquentant les quartiers centraux de Montréal, les pairs-aidants doivent être âgés entre 18 et 30 ans au moment de leur arrivée au GIAP. La proximité de vécu qu’ils partagent avec les jeunes rejoints dans le cadre de leur emploi implique en effet qu’ils soient à des points similaires de leurs trajectoires de vie respectives.

L’approche alternative par les pairs

Au GIAP, l’approche d’intervention par les pairs consiste à faire bénéficier les jeunes en situation de précarité de l’expérience de vie d’anciens jeunes de la rue. En quoi cette approche est-elle alternative? Elle l’est à plusieurs égards :

  • Le recours à la proximité de vécu existant entre les pairs-aidants et les jeunes auprès de qui ils interviennent est encouragé. Cela s’inscrit en rupture avec l’approche plus traditionnelle d’intervention où l’on considère la proximité entre intervenant et intervenu comme néfaste pour la relation d’aide.
  • La confiance constitue le moteur de l’intervention. Avant toute chose, les pairs-aidants du GIAP travaillent à développer des liens de confiance avec les jeunes auprès de qui ils interviennent. Ce lien particulier est propre aux pairs-aidants puisqu’il se créer à partir de la proximité de vécu, de style de vie et de langage. Grâce à ce lien privilégié, les pairs-aidants du GIAP deviennent une zone tampon entre les jeunes et le système. Lorsqu’un jeune vit une expérience déplaisante ou qu’il a passé une majeure partie de sa jeunesse sous la tutelle de la DPJ[1] par exemple, il est compréhensible qu’il soit habité par une certaine méfiance par rapport aux instances ou professionnels qui lui rappellent ses expériences passées. C’est sur la base de la relation de confiance que les pairs-aidants développent avec les jeunes qu’ils peuvent rassurer les jeunes et leur permettre d’accéder aux services dont ils ont besoin.
  • Une conception particulière de la prévention anime les pairs-aidants du GIAP. En effet, plutôt que de viser spécifiquement les changements de comportements des jeunes à risque dans le but d’éviter les maladies et infections, les pairs-aidants abordent la prévention sous l’angle du développement de l’estime de soi et du souci de soi chez les jeunes en difficulté. Le développement et la consolidation de l’estime de soi chez les jeunes aident à soutenir les efforts de prévention et facilitent l’adoption d’habitudes de vie plus saines.
  • Une approche globale de la santé détermine les actions des pairs-aidants. Au GIAP, la santé n’est pas l’absence de maladie ; elle ne se limite pas non plus au corps et à l’esprit mais revêt une dimension sociale. La santé se définit par rapport à soi-même, par rapport à ceux qui nous entourent et par rapport à la société dans laquelle nous vivons. Travailler à l’amélioration de la santé des jeunes en situation de précarité, c’est donc aussi travailler à ce qu’ils soient reconnus comme des citoyens à part entière, dotés de droits et de responsabilités, ayant droit de cité et pouvant s’impliquer dans la communauté. La défense des droits et la lutte à l’exclusion sociale sont donc partie intégrante de l’action du GIAP.
  • Une reconnaissance des aspects positifs de l’expérience de rue anime l’action des pairs-aidants. De par leur bagage d’expériences personnelles, les pairs-aidant du GIAP sont capables de reconnaître que l’expérience de la rue n’est pas une expérience négative en soi et qu’elle peut répondre à certains besoins, à certains moments ; qu’il s’agisse du besoin de s’évader ou d’exprimer son opposition face aux normes sociales. L’approche humaniste non-jugeante des pairs-aidants leur permet d’aborder la globalité de l’expérience de rue.
  • L’originalité des médiums utilisés par les pairs-aidants aux fins de prévention contribue aussi à forger l’approche alternative du GIAP. En effet, « les pairs utilisent généralement des médiums qu’ils connaissent comme la musique, la peinture, le sport, le cirque, la cuisine, pour stimuler des échanges leur permettant de réaliser leur mandat de prévention. » (Bellot et al, 2007 : 30). Les activités développées par les pairs-aidants du GIAP s’inspirent de leurs intérêts personnels.

Les activités

Ci-dessous sont présentés les principaux pôles autour desquels s’articulent les actions du GIAP. Néanmoins, ces actions ne sont pas figées, elles se transforment au fil du temps, suivant l’évolution du milieu, l’émergence de nouvelles tendances et le développement de nouvelles connaissances en matière de prévention, de réduction des méfaits ou encore de cohabitation sociale.

Les interventions individuelles ou en petits groupes

Dans le cadre de leur travail au sein des ressources partenaires, les pairs-aidants vont à la rencontre des jeunes, avec lesquels ils travaillent à bâtir des liens de confiance. Les pairs-aidants visent le développement d’un souci de soi chez les jeunes auprès de qui ils interviennent et une reprise en charge de leur santé globale. Pour ce faire, ils offrent de l’écoute active et du soutien dans les démarches entreprises par les jeunes. Les sujets les plus abordés lors des interventions individuelles concernent la réduction des risques, la gestion de la consommation, les relations interpersonnelles, la sexualité, la gestion des émotions et l’autonomie. L’éventail des sujets abordés par les jeunes démontre bien l’approche alternative globale d’intervention qui caractérise l’action des pairs-aidants. Les pairs-aidants peuvent aussi référer les jeunes et les accompagner au besoin vers d’autres services. Les pairs-aidants profitent des moments d’échanges informels pour donner de l’information relative à la prévention des ITSS et pour promouvoir un message de santé à travers la réduction des méfaits. Les interventions individuelles déployées par les pairs-aidants peuvent prendre appui sur les nombreux outils de prévention originaux et alternatifs qu’ils développent en équipe.

Les interventions de groupe

Les pairs-aidants interviennent aussi de façon collective, suivant des objectifs divers allant de la prévention des ITSS à la démystification du milieu de la rue, en passant par le développement de compétences organisationnelles chez les jeunes rencontrés. L’intervention collective prend le plus souvent appui sur des activités de groupe à caractère ludique ou des ateliers de sensibilisation. Que ce soit au sein des ressources partenaires, dans le milieu scolaire post secondaire ou encore dans le cadre du Festival d’Expression de la Rue (le FER[2]), diverses activités sont animées par les pairs-aidants afin de rencontrer ces objectifs.

Quizz ITSS ou Twister de la prévention

Cette activité, développée plus particulièrement à l’intention des jeunes, peut s’adresser à n’importe quel public intéressé à en apprendre davantage sur les infections transmises sexuellement ou par le sang (ITSS). Le quizz vise à augmenter chez les participants les connaissances des diverses ITSS, leurs modes de transmission et les moyens de s’en protéger. L’activité donne lieu à des prises de conscience relatives aux prises de risque. Le quizz peut être animé en tant que tel, ou en s’appuyant sur le jeu Twister, pour plus de dynamisme.

Parcours-Party

Cette activité s’adresse aux jeunes, elle recréé l’ambiance d’une soirée de party. L’activité permet aux participants d’acquérir des connaissances sur les drogues, à partir de leurs propres habitudes de consommation. Pour ce faire, des fausses drogues sont disposées sur une table et les participants se font questionner sur chacune d’entre elles quant aux effets, aux mélanges à éviter, à la durée de l’effet, etc. L’activité inclut aussi un quizz sur les différents types de condoms disponibles, leurs propriétés et leur bon usage. Cela permet aux participants d’être sensibilisés au sécurisexe.

L’atelier de création de macarons

Cet atelier s’adresse aux jeunes en situation de précarité. L’objectif est d’acquérir de nouvelles habiletés tout en développant leur créativité, en confectionnant un ou plusieurs macarons de leur choix. L’activité peut être adaptée en fonction d’une thématique particulière, qu’il s’agisse de lutte à l’homophobie ou au racisme ou la prévention des toxicomanies. L’activité offre en outre un contexte propice pour créer des contacts et aborder des sujets délicats, tels quel la sexualité et la prévention des ITSS.

Les ateliers de cuisine

Cet atelier s’adresse aux jeunes en situation de précarité. L’objectif de l’atelier est d’augmenter les habiletés des jeunes à cuisiner, de façon à augmenter leur autonomie et leur capacité à prendre soin d’eux-mêmes. Sur la base de denrées distribuées par les banques alimentaires, les pairs-aidants concoctent avec les participants un menu simple, santé et à petit prix, qui pourra facilement être reproduit par la suite. L’atelier permet aussi d’aborder l’importance de l’hygiène en cuisine. Le repas collectif après l’atelier permet aux jeunes d’échanger sur les apprentissages réalisés et d’aborder divers sujets reliés à la santé. Cet atelier est d’une durée de 3,5h avec les participants. Le groupe pour l’atelier doit être composé d’un maximum de 8 jeunes. Pour recevoir l’atelier dans votre ressource, vous devez disposer d’une cuisine assez grande pour accueillir 10 personnes, d’un minimum d’équipement et d’instruments de cuisine et avoir accès à des dons d’une banque alimentaire.

L’atelier SEXEprimer

Cet atelier s’adresse aux jeunes en situation de grande précarité. L’atelier, qui prend la forme d’une discussion, permet d’aborder la sexualité et la prévention des ITSS sous l’angle du respect de soi et de son/ses partenaire(s). L’atelier est conçu pour un petit groupe de 5 ou 6 jeunes tout au plus. Quelques grandes questions sont lancées par les pairs-aidants pour stimuler une discussion (ex : C’est quoi pour vous le respect dans la sexualité? Est-ce qu’il y a des choses qui pour vous ne se disent pas par rapport au sexe?). Le contenu de l’atelier peut donc varier d’un groupe à l’autre, selon les préoccupations de chacun. L’atelier est d’une durée moyenne de 75 minutes, selon le groupe.

Formation « Démystification des réalités des jeunes de la rue »

Cette formation s’adresse aux personnes et professionnels appelés à intervenir auprès de jeunes en situation de grande précarité, notamment les professionnels de la santé, les policiers, pompiers… À partir des expériences des pairs-aidants, la présentation, très interactive, aborde les facteurs de risques et les réalités dans lesquelles se trouvent les jeunes de la rue ou en situation de grande précarité, dans une optique de démystification. La présentation aide les participants à mieux comprendre les problématiques reliées à la rue de façon a mieux intervenir auprès des jeunes.

Formation « Les drogues et la rue: une vision alternative en réduction des méfaits »

Cette formation s’adresse aux intervenants et professionnels intervenant auprès de personnes qui consomme des drogues et qui sont issues du milieu de la rue. À partir du savoir expérientiel des pairs-aidants, cette formation permet aux participants de se familiariser davantage avec les tendances actuelles de consommation de substance psychoactives, au mode de vie de la rue et de l’approche de réduction des méfaits. Plus précisément, cette formation aborde les principales substances en vogue à Montréal, les impacts de la consommation sur les comportements, les mélanges de drogues et médicaments et risques associés, le sevrage et la prévention de la rechute. D’une durée de 2h, cette formation est interactive et permet la discussion entre les participants.

L’implication communautaire

L’implication communautaire constitue un autre champ d’action du GIAP. Afin de prendre part activement à la compréhension de l’évolution du milieu de la rue et à la détermination des moyens les plus adaptés pour répondre aux besoins du milieu, le GIAP est impliqué dans plusieurs activités et concertations communautaires. L’équipe du GIAP est représenté à la Table de concertation Jeunesse-Itinérance, qui regroupe des organismes impliqués auprès des jeunes en situation de grande précarité; il est aussi présent à la Table de concertation du Faubourg Saint-Laurent, qui regroupe divers acteurs afin de favoriser la communication et les échanges autour d’ enjeux de sécurité du quartier; le GIAP est aussi mobilisé pour la recherche de solutions alternatives à la judiciarisation des personnes itinérantes et prend activement part aux activités de l’Opération Droits Devants; l’équipe s’implique aussi à la Nuit des sans-abri de Montréal afin de sensibiliser le grand public aux réalités de l’itinérance. Dans le cadre du Festival d’Expression de la Rue, le GIAP organise annuellement une discussion citoyenne, qui rassemble divers acteurs du centre-ville autour du thème de la cohabitation sociale. Les pairs-aidants du GIAP s’impliquent par ailleurs au sein d’activités communautaires organisées par les ressources partenaires, qu’il s’agisse de repas communautaires ou d’activités spéciales telles que les blitz de récupération de matériel de consommation à la traîne.

La diffusion de l’approche d’intervention par les pairs

Les pairs-aidants du GIAP sont des experts de l’approche d’intervention par les pairs. Ils sont aussi experts du milieu de la rue et des réalités qui peuvent être vécues par les jeunes en situation de grande précarité. À ce titre, ils sont régulièrement interpellés pour partager leurs expériences, leurs savoirs, leur approche d’intervention, et ce auprès de divers publics. Par leur importante présence au sein des ressources partenaires du GIAP, les pairs-aidants font la promotion de l’intervention par les pairs auprès des intervenants et des directions des organismes. L’implication dans différences instances de concertation offre une autre occasion au GIAP de promouvoir l’intervention par les pairs. Aussi, depuis les origines du projet en 1993, le GIAP a toujours collaboré étroitement avec le milieu de la recherche universitaire et le fait encore régulièrement. Cela a d’ailleurs fortement contribué à la reconnaissance de l’approche d’intervention par les pairs dans le milieu de l’intervention.

La promotion de l’empowerment collectif et du changement social

Le GIAP reconnaît la dimension sociale de la santé ; la santé doit donc être comprise et définie par rapport à soi-même, à ses relations avec les autres et à la place occupée dans la société. La lutte contre l’exclusion sociale et pour la reconnaissance des personnes marginalisées comme citoyens à part entière s’intègre donc parfaitement dans le travail d’amélioration de la santé des jeunes en situation de précarité dans lequel est impliqué le GIAP. Ces enjeux sociaux de citoyenneté, de cohabitation, de partage de l’espace public et du respect des droits fondamentaux doivent être adressés de façon collective. L’organisation du Festival d’Expression de la Rue est un bel exemple d’une démarche d’empowerment collectif. Aussi, la qualité de l’environnement physique et social détermine grandement la capacité des individus à prendre en charge leur propre santé. En effet, on ne peut s’attendre à ce qu’un consommateur utilise du matériel d’injection stérile pour réduire ses risques d’être infecté par une ITSS si ce matériel stérile n’est pas disponible à proximité de son milieu de vie. On ne peut pas non plus s’attendre à ce qu’un jeune en pleine détresse psychologique appelle à l’aide s’il n’a aucun réseau de support. Ainsi, par leur présence sur le terrain, en facilitant l’accès au matériel stérile de consommation dans certains milieux désaffiliés, en animant des conférences afin de diminuer les préjugés entourant les jeunes en difficulté, les pairs-aidants du GIAP contribuent à rendre les milieux du centre-ville plus propice à la prise en charge de la santé et notamment à la prévention des ITSS.

Le fonctionnement du GIAP

Le GIAP est issu d’un partenariat entre plusieurs organismes de Montréal œuvrant auprès des jeunes en situation de grande précarité. Plus précisément, sont regroupés au sein du GIAP six organismes communautaires[3], soit Dans la Rue, Cactus Montréal, l’Unité d’intervention mobile L’Anonyme et Projet Montréal de Médecins du Monde ainsi qu’une ressource institutionnelle, à savoir le CSSS Jeanne-Mance.

Le GIAP privilégie une approche d’empowerment, autant individuel que collectif. Cela se reflète notamment par la gestion participative qui qualifie son fonctionnement et dans la place accordée aux pairs-aidants. Les pairs-aidants sont au centre du GIAP : c’est ensemble qu’ils partagent leurs constats et réflexions relatifs aux besoins des jeunes en situation de précarité, qu’ils co-construisent leur approche alternative d’intervention, qu’ils produisent différents outils afin de soutenir cette approche et qu’ils décident des activités à organiser selon l’évolution du milieu de la rue ou l’émergence de nouvelles tendances.

Les pairs-aidants forment donc une véritable équipe de travail ; et c’est à raison de deux jours par semaine qu’ils se retrouvent en tant qu’équipe, pour partager leurs connaissances et expériences, travailler ensemble divers projets de prévention, ou encore développer de nouveaux ateliers. Les pairs-aidants du GIAP sont donc très impliqués dans la gestion quotidienne du projet, la plupart des décisions étant prise lors de la rencontre d’équipe hebdomadaire à laquelle chacun des pairs-aidants participe. Pour ce faire, ils peuvent compter sur l’appui de l’agente de soutien à l’intervention, de la coordonnatrice du projet et de leur intervenant-accompagnateur. En outre, chaque pair-aidant bénéficie d’un plan de formations qui lui permet d’acquérir les outils dont il a besoin pour utiliser son savoir expérientiel aux fins d’intervention.

Les partenaires accueillent chacun un pair-aidant au sein de leurs organismes, à raison de trois jours par semaine. Chacune des ressources partenaires dégage un de ses intervenants afin qu’il soutienne l’intégration du pair-aidant au sein de la ressource et l’accompagne dans l’acquisition et le développement de ses réflexes cliniques. Il s’agit de l’intervenant-accompagnateur dont il a été question plus haut. En intégrant pleinement le pair-aidant au sein de son équipe, et en l’incluant dans les rencontres d’équipe, les ressources partenaires permettent au pair-aidant de jouer son rôle, lequel est différent mais complémentaire à celui des intervenants sur place. Tout en demeurant cohérent avec la mission de sa ressource d’attache, le pair y poursuit la mission du GIAP en regard de la prévention des ITSS et de la réduction des méfaits liés à la consommation de drogues ou au mode de vie de la rue.

L’ensemble des acteurs du GIAP se réunissent une fois l’an, pour la demi journée d’orientation stratégique. Il s’agit de la principale instance de concertation au sein du projet et c’est à cette occasion qu’ont lieu les discussions de fond quant aux orientations du projet. Les partenaires se rencontrent en comité des partenaires trois fois l’an afin de veiller à la bonne marche du projet, à la gestion des ressources humaines et financières et statuer sur les orientations à donner au projet. L’équipe des pairs-aidants mandate l’un d’entre eux pour siéger au comité des partenaires et s’assurer que l’approche alternative qui caractérise le GIAP puisse également teinter les discussions qui y ont lieu.

Le fonctionnement en partenariat constitue l’une des forces vives du GIAP. L’accueil de pairs-aidants au sein des équipes des ressources partenaires permet notamment aux ressources de rejoindre plus de jeunes, des jeunes plus désaffiliés et plus méfiants envers les intervenants. En contrepartie, les pairs-aidants bénéficient de l’expérience clinique des intervenants ; et le dialogue émergeant de la rencontre de ces différentes approches d’intervention permet une réponse plus adaptée à la situation des jeunes en situation de précarité. Le fonctionnement en partenariat facilite aussi le processus de référence des jeunes entre les ressources-partenaires du GIAP. Le partage de l’information pertinente concernant, par exemple, les nouvelles tendances de consommation, se trouve aussi facilité par ce travail en partenariat. Finalement, le fonctionnement en partenariat permet de diffuser plus largement l’approche d’intervention par les pairs et participe donc à sa reconnaissance dans le domaine de l’intervention.

Un peu d’histoire…

Pour comprendre l’histoire du GIAP, nous devons d’abord nous replonger dans le contexte du centre-ville montréalais du début de la décennie 1990. Les jeunes de la rue y sont en nombre grandissant, la consommation de drogues par injection fait rage et le VIH fait de gros ravages parmi les jeunes du centre-ville. Des équipes spécialisées composées de professionnels de la santé sont donc mises sur pied pour intervenir auprès de cette population particulière. Malgré ces efforts, on peine à rejoindre les jeunes de la rue.

L’idée de recourir à l’aide informelle pour rejoindre les jeunes de la rue émerge alors. À l’initiative des intervenants de la Clinique des jeunes Saint-Denis, le projet « C’est dans la rue que ça se passe » est initié en 1993 au sein de quatre ressources d’hébergement. Pour ce faire, quatre jeunes de la rue sont embauchés et feront office d’agents de liaison au sein du Bunker, d’En Marge 12-17, du Refuge des jeunes et de Passages. À titres d’agents de liaison, ces jeunes recrutés ont le mandat d’entrer en contact avec les jeunes ne fréquentant pas les ressources, par le biais du travail de rue. Dès lors, il s’agissait d’un véritable emploi et les jeunes intéressés devaient rencontrer certains critères d’embauche pour être recrutés au sein du projet, notamment être âgés entre 16 et 18 ans, et étaient rémunérés de façon symbolique. Le projet s’est ainsi poursuivi jusqu’en 1995, parfois sous le soleil, parfois sous l’orage!

Certaines leçons ont dues être tirées de cette première expérimentation afin de développer le projet « L’intervention par les pairs, dans la rue, au centre-ville » en 1995. En effet, les intervenants impliqués dans le développement de ce projet sentent alors la nécessité d’exiger un plus grand recul face au milieu de la rue, afin de stabiliser l’équipe des agents de liaison et d’éviter certains écueils éthiques. C’est aussi dans cet esprit que l’âge des agents a été élargi de 16 à 20 ans. Le travail de rue des agents de liaison a tranquillement cédé sa place au travail au sein des ressources partenaires, notamment pour éviter aux agents de liaison quelques embuches, eux qui trouvaient parfois difficile de travailler dans leur propre milieu d’appartenance. C’est aussi à ce moment que le mandat de prévention de la transmission du VIH auprès des jeunes de 16 à 20 ans se dessine de façon plus spécifique, et que les agents de liaison deviennent véritablement des pairs-aidants. Par la suite, les ressources d’hébergement ont tour à tour pris leur distance avec le projet, et des ressources en prévention du VIH ont pris le relai.

Après avoir connu une période difficile marquée par l’incertitude financière, le début des années 2000 redonne un souffle nouveau au projet, notamment par l’arrivée de deux importants bailleurs de fonds. Si la mission est maintenant clairement définie, les acteurs établissent les règles du fonctionnement en partenariat et le projet se structure sous la forme d’un collectif. C’est ainsi que le Collectif d’intervention par les pairs voit le jour en 2005, et place les pairs-aidants au centre du projet comme jamais auparavant.

En 2007, les acteurs conviennent de rapatrier la fiducie du projet au sein d’une seule organisation, alors qu’elle était auparavant partagée. Ce changement aura des répercussions importantes sur le fonctionnement du projet et l’implication des acteurs. Le fonctionnement en collectif est alors suspendu, le temps de définir une nouvelle structure de fonctionnement. Les processus d’ébauche et d’adoption d’une nouvelle entente de fonctionnement, en partenariat cette fois, ne se dérouleront pas sans heurts. Néanmoins, le travail acharné des acteurs en place donne lieu à la signature d’une entente de partenariat en 2009, moment où le projet prend le nom de Groupe d’intervention alternative par les pairs.

Avec le temps, le GIAP a beaucoup gagné en maturité. Le fonctionnement en partenariat s’est stabilisé et le rôle de chacun semble de mieux en mieux compris par les acteurs en présence. L’équipe de travail, forte de l’héritage de ses prédécesseurs, s’appuie sur des méthodes de travail bien rodées, des processus efficaces pour susciter la participation de tous et toutes et des mécanismes de rétroaction facilitant la communication dans l’équipe et avec les ressources-partenaires. Le projet poursuit son évolution, évolution qui ne cessera jamais puisque de nouveaux pairs-aidants s’y joindront et apporteront aussi leurs couleurs, leurs intérêts et travailleront à s’assurer que les actions du GIAP rencontrent toujours les besoins et intérêts des jeunes en situation de grande précarité.

www.giap.ca

[1] Direction de la protection de la jeunesse.

[2] www.giap.ca/le-fer/#le-fer-c-est-quoi

[3] www.giap.ca/nos-partenaires/