Espace Femmes*
DUNE ASBL

Espace participatif en non-mixité choisie

Remarque : Par femmes* nous entendons toute personne qui s’identifie comme tel. En d’autres termes, nos actions visent l’inclusion des femmes, en ce compris trans. La question des minorités sexuelles étant en relation étroite (voire indissociable) avec celle des minorités de genre, les espaces en mixité choisie seront autant de lieux d’identification des besoins spécifiques des personnes victimes de discriminations croisées.

  • Tout d’abord, DUNE c’est quoi ?

Suite à l’épidémie du SIDA dans les années 90, des usager·es de drogues forment un groupe d’auto-support, le CCLA (Citoyens Comme Les Autres). Après la dissolution de ce collectif, certains membres et des professionnel·les en santé-social décident de créer l’ASBL DUNE.

Implantée à Bruxelles, DUNE a pour ambition l’amélioration des conditions sociales et sanitaires des personnes usagères de produits psychotropes. Ainsi, elle s’appuie sur une approche holistique de la santé et tend à garantir à tous·tes une vie digne et un accès aux soins de première ligne ainsi qu’à l’aide sociale.

DUNE accueille et accompagne des personnes en situation de grande précarité et d’exclusion sociale. Il y a une réelle volonté d’encourager le pouvoir d’agir et de construire une relation de confiance.

Pour ce faire, plusieurs services psycho-médico-sociaux sont proposés par DUNE. Des activités communautaires  sont aussi déployées : un atelier d’expression artistique (Atelier Chipote), un autre de création radiophonique (CLIP Radio), un comité d’usager·es, des activités sportives et des sorties culturelles. Dans la même sens et toujours pour valoriser le savoir expérientiel du public, des focus-groupe sont également organisés une fois par mois, ainsi qu’un projet de prévention par les pair·es (Boule-de-Neige). Enfin, c’est ce qui nous intéresse ici, il y a des activités en non-mixité (Espace femmes*, soirée dédiée, activités extérieures…).

Pour en savoir plus : DUNE ASBL (dune-asbl.be)

  • ZOOM sur l’Espace femmes*

Ce projet d’accueil en non-mixité est né d’un constat : Les femmes sont sous-représentées dans les services d’accueil de première ligne.

Il est très difficile parfois pour elles de trouver une place dans ces lieux surinvestis par des hommes. Ainsi, les femmes arrivent souvent dans les services avec des problèmes plus graves, plus ancrés, des maladies ou des soucis de santé qui ne sont pas traités depuis des années. Elles portent aussi des traumatismes qui leur sont propres, des expériences de vie liées à la drogue, la précarité et l’exclusion, mais aussi liées à leur genre, à leur condition de femme. Les espaces mixtes ne leur permettent pas toujours une parole libre, les relations de confiance sont plus dures à s’établir dans ces conditions.

Par ailleurs, les femmes sont souvent invisibilisées dans le secteur des assuétudes. La littérature, les écrits scientifiques et les études de terrain commencent à s’intéresser aux causes ce phénomène qui sont liées à la pression due aux normes sociales et aux stéréotypes de genre.

En pratique, les femmes se sentent moins à leur place, à l’aise ou en confiance dans les services bas seuil assuétudes. Lorsqu’elles en parlent, elles évoquent des blocages ou des peurs notamment celle de ne pas vouloir se confronter à un agresseur, ou un homme ayant une certaine emprise sur elles et qu’elles préfèrent éviter. S’ajoutent aussi les sentiments de honte, de culpabilité et la peur du jugement.

En conséquence, elles expriment également le besoin de partager leur vécu et ressenti avec des paires. Les espaces en non-mixité permettent d’ouvrir le dialogue dans ce sens et de bénéficier de la sororité des femmes* avec lesquelles ce moment est partagé.

Pour créer un espace de parole, la confiance est primordiale. C’est une condition indispensable afin de créer du lien avec un public exclu, marginalisé et jugé dans son quotidien.

La mise en place de dispositifs en non-mixité permet l’émergence de lieux privilégiés pour tisser des liens de confiance non seulement entre les femmes* bénéficiaires, mais également entre celles-ci et les travailleuses[1].

En réponse à ces constats, l’objectif de l’Espace femmes* est donc de proposer un lieu d’échanges et de soutien, un lieu pour les femmes et par les femmes.

  • En pratique

C’est dans les locaux de DUNE que se tient tous les lundis de 19h à 21h30 l’Espace Femmes*.

Dans le même temps, comme chaque soir du lundi au vendredi, le CLIP (Comptoir Local d’Information et de Prévention) est ouvert. Il y a donc deux espaces bien distincts. Au rez-de-chaussée, les activités du CLIP (le comptoir de réduction des risques) suivent leur cours et à l’étage l’espace est réservé aux femmes*.

Sophie est travailleuse sociale et infirmière spécialisée en santé communautaire, en addictologie et en sexologie. Elle anime l’Espace Femmes*, parfois en collaboration avec d’autres travailleuses, bénévoles ou intervenantes.

Voici comment Sophie définit le rôle de l’Espace femmes* :

Compte tenu de la difficulté de nombreuses femmes* à franchir les murs des institutions, il s’agit pour moi de soigner leur accueil, de leur accorder du temps et un espace le plus safe possible pour échanger et exprimer leurs demandes et besoins spécifiques. Je porte une attention particulière aux femmes* qui sont souvent invisibilisées et qui peuvent être davantage en difficulté dans leur consommation et dans l’accès aux services d’aide et de soins, entre autres, en raison des discriminations et des violences qu’elles subissent. L’Espace femmes* est, selon moi, un outil de libération, de revalorisation, d’empowerment et de réinsertion. Ce projet se veut participatif. En effet, il se construit et s’organise avec les personnes concernées.

Diverses activités sont ainsi mises en place afin de favoriser la capacité des femmes à prendre soin d’elles et de répondre aux objectifs suivants :

Les objectifs poursuivis par le projet femmes* sont :

  • (re)donner aux femmes une place au sein de notre structure, soigner leur accueil et leur accorder du temps pour répondre à leurs demandes et besoins spécifiques
  • valoriser les savoirs expérientiels et la parole des femmes
  • favoriser la capacité des femmes à prendre soin d’elles : se reconnecter à elles-mêmes, apporter des soins à leur corps, découvrir des outils de bien-être et de relaxation
  • améliorer l’image, l’estime de soi, le pouvoir d’agir
  • améliorer l’accès aux soins, aux droits, au logement, etc.
  • contourner l’isolement social, améliorer le réseau social, amorcer un travail de réinsertion sociale et professionnelle
  • faire vivre d’autres moments, des expériences réussies
  • expérimenter le processus de co-construction de projet pour mettre en place des actions rencontrant leurs besoins spécifiques et les soutenir dans la réalisation de projets collectifs ou individuels
  • développer/renforcer le pouvoir d’agir sur leur santé et sur leur vie.

Au programme des séances : soins corporels, soins esthétiques et maquillage, accès à des vêtements de seconde main, ateliers coiffure, massage, fabrication de soins naturels et d’objets divers permettant de laisser libre court à la créativité et aux talents manuels des participantes (tote bag, bracelets brésiliens, cadres photos, décorations de Noël, bougies…). Self-défense, méditation/relaxation, réalisation et vente de gâteaux et autres, sortie à la mer, hippothérapie, théâtre, cinéma, atelier pancartes/slogans et collages féministes, 2 soirées en mixité choisie dans le cadre de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes et de la journée internationale pour les droits des femmes.

Chaque séance est l’occasion d’ouvrir une discussion sur une grande variété de thèmes, d’actualité ou liés aux préoccupations des participantes, tels que : lutte pour les droits des femmes, violences, santé (gynécologie, auto-santé, médication), maternité (grossesse, relation mère/fille, communication), représentations des femmes sans-abris, injustices, accès au travail, au logement, vie affective et sexuelle (éducation sexuelle, consentement, désir, plaisir féminin, contraception, rapport au corps), dépendance affective et relation de couple, relation familiales, religion et politique, projets et activités futures.

L’Espace femmes* met à disposition des vêtements, des chaussures, des produits d’hygiène, des produits cosmétiques comme du parfum ou des vernis à ongles. On y trouve également un espace créatif, du matériel pour dessiner ou écrire. Et surtout, il y a des femmes, des femmes qui parlent et qui échangent, qui partagent leurs expériences de vie, leurs anecdotes rigolotes parfois ou leurs histoires douloureuses souvent.

Aussi, l’Espace femmes* s’élargit. Chaque deuxième lundi du mois, une soirée réservée exclusivement aux femmes* dans l’entièreté des locaux de DUNE est organisée. Les femmes* concernées et les travailleuses de l’association qui souhaitent s’impliquer décident ensemble décident des activités de la soirée et des intervenantes conviées (coiffeuses, manucures, artistes, préparatrices de produits d’hygiène, etc.). Le choix du menu, les courses ou la préparation du lieu sont aussi une œuvre collective.

Au-delà du moment de partage et de réconfort que ces soirées permettent, la participation des femmes* usagères de produits psychotropes  est au cœur du projet. Elles sont ainsi encouragées à prendre soin d’elles individuellement et collectivement. Cela permet de promouvoir une forme de confiance en elles et de soutenir l’idée qu’elles ne sont pas seules.

L’Espace femmes* est un espace de confiance et de parole libre, de soutien et d’échange, propice au développement du pouvoir d’agir individuel et communautaire.

[1] Femmes*, genre et assuétudes : Synthèse des constats de terrain dans la Région de Bruxelles-Capitale, FEDITO Bruxelles, 2022 : https://feditobxl.be/fr/2023/05/femmes-genre-et-assuetudes-constats-et-recommandations-de-la-fedito-bxl/