Faire lien autrement avec les personnes vivant en rue, leur donner la possibilité et l’envie de s’exprimer, de se faire plaisir dans la création, c’est ce que propose le projet mis en place par Mélanie Duplan, éducatrice de rue et infirmière chez Transit asbl[1]. Parcourir Bruxelles en images et en musique, c’est une opportunité pour faire une parenthèse dans un quotidien marqué par les suivis médico-sociaux et administratifs.
Le projet a pris son temps pour germer. Arrivé il y a 6 ans en Belgique, Mélanie a d’abord travaillé au sein d’une structure pédo-psychiatrique (le centre ados de l’asbl l’Équipe[2]) qui a recours aux médias thérapeutiques. C’est là qu’elle rencontre Émilie Danchin[3], photographe et thérapeute, et prend conscience de la pertinence de ses ateliers. Elle suit donc une formation auprès d’Émilie et l’idée d’utiliser la photo pour pallier au manque de créativité du quotidien professionnel (pour elle autant que pour les bénéficiaires) s’est imposée. Prendre des photos ensemble, c’est une façon de « rafraichir » le lien, d’élargir la relation à d’autres horizons.
Deux livres ont été une source d’influence pour le projet : Rock is dead de Carole Épinette et Elvis & Presley de Stephan Vanfleteren. La première propose des portraits de rock stars en noir et blanc, le second une traversée des Etats-Unis déguisés en Elvis Presley. Les deux mélangés à la couleur local, ça donne une traversée de Bruxelles en parlant musique. C’est ce que Mélanie propose aux bénéficiaires qui feuillettent les bouquins, qu’elle a laissé trainée dans son infirmerie, pour attirer les curieux et les curieuses.
Ces promenades photographiques, c’est un échange : on parle de ses chansons préférées, de celles qui apaisent, qui rappellent l’enfance, des concerts qu’on a aimé, ceux qu’on a raté, ça évoque des souvenirs, des lieux… et si ces lieux sont bruxellois, c’est une occasion les mettre en image et de faire le lien avec les chansons évoquées.
Se trouver dans un contexte différent permet de connaitre la personne sous un autre aspect. Ce que nous on photographie, les choix qu’on fait donne une description de notre personnalité. La relation s’approfondit entre le travailleur et moi.
Miguel
En pleine pandémie, une période impactée par les restrictions d’accès à diverses institutions, ce projet ouvre un espace de liberté bienvenu. Lors d’après-midi spécialement dédiée à la photo, mais aussi de manière plus informelle, au gré des maraudes et des accompagnements vers les services d’aide et de soin, ensemble ils ont pris le temps de l’évasion, construisant un autre récit sur les traces de parcours de vie cabossés certes, mais empli d’humanité.
L’enrichissement, c’est de développer ce projet en parallèle de la relation d’aide et de soin, même si, d’une certaine manière, ce n’est pas nécessaire de les dissocier, la photo peut aussi être du soin à part entière. Laisser place à la création, c’est offrir la possibilité autant au travailleur qu’au bénéficiaire de se définir autrement, de se dévoiler sous un autre jour.
Rock’n’Brussels est un projet toujours en cours. Il a pour le moment abouti à la création de trois livres et une exposition, visible en mars 2021 au Pilier et en juin 2021 chez DUNE, deux associations de réduction des risques. Il y a possibilité de consulter les livres et les photos de l’expo sur demande.
Rock’n’Brussels est à la recherche d’appareils photos : les dons d’appareils numériques sont les bienvenus !
Pour plus d’infos envoyer un mail à rocknbrussels@gmail.com.
Un tout grand merci à Mélo, Axelle, Prakash, JB, Francesco et Miguel.
[2] https://www.equipe.be/-C-Ados-.html