MEDOCS

Espace de recherche-action et de co-construction de savoirs autour des médicaments de l’âme

Le groupe MEDOCS de L’Autre « lieu » est un espace de recherche-action et de co-construction de savoirs autour de l’usage des médicaments dans le secteur de la santé mentale. Il a été créé en 2017  et se compose de personnes touché par un usage quotidien de médicaments. Il y a une interrogation sur ce qui peut être mis en place dans son environnement pour avoir une vie de qualité avec les médicaments.

À L’Autre « lieu » gravite des personnes qui pensent le soin en santé mentale et essayent de ne pas rester uniquement sur un point de vue clinique, L’Autre « lieu » essaye de trouver d’autres façon de faire, plus en lien avec l’environnement, pour trouver ce qui peut faire soin à côté de la médication, d’une psycho-théraphie, d’une approche clinique. Il y a un travail sur l’accès au logement, au travail, à la culture et à la santé. Le sujet des « médicaments de l’âme » est souvent discuté.

Il y a eu une volonté de créer un espace de recherche et de paroles autour de la médication, pour approfondir le sujet et être en mesure de transmettre leur démarche (une façon de faire, une façon de trouver une qualité de vie) et des témoignages. Tout en se disant qu’il faut aussi aborder la question de ceux et celles qui veulent arrêter une médication : comment ça peut se comprendre, s’essayer, s’envisager sans que ce soit le chaos et se détruire complètement. Donc proposer une façon de faire.

Méthodologie

Dans ce groupe, certain.e.s ont un lien très fort avec les médicaments et sont convaincu que ça les accompagnera toute leur vie, d’autre le pense comme quelque chose de provisoire, certain.e.s voudraient s’en séparer, d’autres moins : la thématique est abordée en fonction des diverses expériences et leur but est de voir comment une démarche peut être construite. Le groupe est donc basé sur des savoirs expérientiels (les savoirs psychiatriques sont déjà connus et trop souvent privilégiés). Ce qui les intéresse, c’est comment penser avec les médicaments. Par contre, le groupe se laisse la possibilité d’inviter des professionnel.le.s (psychiatres, psychologues, pharmacologues…).

Le groupe définit lui-même ce qu’il aborde et son matériel de recherche. Les membres partagent leur savoir, présentent leurs recherches sur les sujets qui les intéressent (firmes pharmaceutiques, neurotransmetteurs…).

Le groupe se voit deux à trois fois par mois, de manière assez détendue, ouverte à la proposition (mais sans obligation de faire des propositions), souple et accueillante.

Le fonctionnement du groupe est ouvert :

  • Toute disgression est la bienvenue. Il y une richesse à avancer avec des rythmes différents, à privilégier une « forme de lenteur et de flottement ».
  • Pas d’objectifs de résultat.
  • Pas d’enjeux de psychoéducation :
    • On ne dit pas à l’autre ce qu’il/elle doit faire.
    • Accepter aussi qu’on ne peut jamais se mettre totalement à la place de l’autre
    • Accepter les avis divergents, qui s’ancrent dans des expériences divergentes.
    • Réfuter le concept de « compliance » : quand la compliance, c’est l’obéissance du.de la patient.e au traitement imposé par le.la médecin.
    • Respecter ce qui est dit et ce qui est bon pour toi.

Objectifs

  • Repérer/identifier les mécanismes auto-discriminants qui sont issus d’injonctions.
    • (les injonctions sociétales sont les normes qui nous entourent, ce qui est normal ou pas, au niveau d’un comportement, d’une manière de vivre, d’un rythme de vie).
      • Exemple d’injonction – niveau familial : prendre le médicament pour faire plaisir à la famille.
      • Exemple d’injonction – niveau sociétal : les fous sont les personnes qui ne pensent pas. Quand on est fou, on est tout le temps fou. On est hors-norme, hors-société.
    • Il y a de la « psychophobie » dans notre société : on préfère ne pas en parler pour ne pas engranger le rejet ou se confronter à des idées reçues.
  • Se donner une parole face à des professionnel.le.s qui ne veulent pas être dans une position de collaboration avec le.la patient.e. S’il n’y a pas d’espace où on se sent écouté.e, alors on crée l’espace soi-même.
  • Développer un vocabulaire commun : refuser d’utiliser certains mots (« santé mentale », « compliance », « pair-aidance »), se réapproprier d’autres mots (coming out, fou/folle), créer des mots qui nous conviennent (psychophobie).

Sujets abordés

Le groupe parle et échange de plusieurs choses :

  • Les médicaments, les molécules :
    • comment fonctionne un médicament, comment il agit sur le corps.
    • Volonté de contribuer à des études plus « neutres » : c’est-à-dire, qu’une étude n’analyse pas seulement les effets « recherchés » ou « attendus » des médicaments, mais l’ensemble des effets sur le corps.
  • Les usages liés aux médicaments et aux troubles psychiques.
    • Exemple : réfléchir une dose qualité de vie.
      • Le prise de médicaments, ce n’est pas noir ou blanc (je prends ou je prends pas).
      • Dans certains cas, la prise de médicaments est incontournable : on ne peut y échapper. Du coup, quelle dose étant donné mes besoins, mes conditions de vie (par exemple, mon accès à une activité sportive, artistique… Suis-je dans un moment de crise ou pas ?). Il faut défendre une approche globale de la personne, de sa santé.
      • Se rendre compte qu’arrêter la prise d’un médicament, cela nécessite des ressources : du temps, des moyens. Certaines alternatives sont plus chers qu’une visite hebdomadaire chez le.la psychiatre.
    • Les troubles eux-mêmes.
      • Sortir de l’essentialisation des troubles.
      • Sortir d’une vision des troubles psychiques sans lien avec le corps. Par exemple, insister pour avoir des prises de sang plutôt que de se voir prescrire des anti-dépresseurs dès qu’on émet une plainte.
      • Réfléchir les catégories pour identifier les troubles : « santé mentale » ça veut dire quoi ?
    • Le lien avec la famille et les professionnel.le.s de la santé (psychiatre).
      • C’est quoi un.e bon.ne psychiatre ? Parfois, on va en consultation et le.la psy ouvre l’espace de parole, mais parle peu. Le.la patient.e se jette dans cet espace, parle (parfois beaucoup) mais y trouve souvent peu de répondant. Est-ce qu’un.e bon.ne psy ne devrait pas apporter davantage de répondant à la personne ?
    • Les alternatives à la prise de médicaments ou accompagnements complémentaires.
      • Avoir une approche plus communautaire du soin, de l’accompagnement de la personne (avec proches et ami.es). Par exemple, en Laponie, c’est une manière de pallier le manque de structures de soins.
      • Est évoqué que certaines aides disponibles en Belgique sont peu visibles. Par exemple, l’accueil psychologique de première ligne, prescrit par un.e médecin, donne accès à 8 séances remboursées.
      • Les approches somatiques/corporelles :
        • Massages thérapeutiques.
        • Psychocorporelles
        • Tout ce qui touche à la méditation, la pleine conscience, la relaxation, la sophrologie… peut ne pas convenir à tout le monde (dans certains cas, anxiogènes ou hallucinogènes).
      • Dans les prises en charge, on observe une hiérarchisation corps/parole : comme si tout passait par la parole au niveau du soin. Certains traumatismes ont besoin d’être travaillé à partir du corps.

Persepectives

  • S’exprimer vers l’extérieur, notamment :
    • vers les professionnel-les de la santé
      • Développer un argumentaire qui reprend les idées principalement développées, sortir des généralités, éviter de dire des choses qui tombent comme un bloc « de toute façon, vous les médecins/les psychiatres… »
      • Discuter sur base d’une posture citoyenne.
      • Identifier le vocabulaire commun.
    • vers d’autres citoyen.ne.s ?
      • Concerné.es par la prise de médocs/les troubles psychiques pour les soutenir dans leurs réflexions.
      • Concerné.es indirectement via des proches par la prise de médicaments ou les troubles psychiques.
    • vers les universités : inviter le groupe dans des cours concernés (futurs psychologues par exemple).
  • Développer de l’auto-défense des patient.es ? Mais comment faire quand tout acte de remise en question est identifié comme un signe que le trouble psychique prend le dessus ? Vous ne voulez plus suivre votre traitement, vous voulez diminuer, vous voulez augmenter, vous voulez prendre autre chose : c’est que quelque chose ne va pas !
  • Comment parler de ses troubles psychiques ou de sa prise de médicaments dans une société qui a tellement de difficultés à l’entendre (psychophobie) ? Beaucoup de situation où faire son « coming out » mental peut poser problème.

Conclusion

Collecter ce savoir, c’est gagner de l’autonomie par rapport aux médicaments qu’on prend, ça permet d’ouvrir les perspectives, de comprendre les effets réels, le fonctionnement des médicaments et du cerveau. Le but est de faire « gagner du temps » a des personnes qui seraient confrontés à des problèmes de santé mentale, d’inadaptation à leur environnement et peut-être leur permettre de trouver des solutions plus rapidement, leur faire éviter les détours que certains ont pu prendre.

Ce qui est pertinent à l’heure actuelle, pour ces médicaments, c’est d’en faire une question collective : tout le monde tire son plan dans son coin, ça se fait en cabinet privé, en tête à tête, ça isole la question ; le premier pas, pour aborder les environnements, les impacts, les interactions, c’est collectiviser cette question.

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